L’article L. 233-10. alinéa 1er du Code du travail dispose que « Le congé est fixé en principe selon le désir du salarié, à moins que les besoins du service et les désirs justifiés d’autres salariés de l’entreprise ne s’y opposent ». Si l’employeur peut dès lors refuser une demande initiale de congé, la question se pose de savoir s’il peut également revenir sur sa décision et, unilatéralement, modifier ou annuler les dates des congés qu’il a préalablement acceptées.
Le Tribunal du travail a récemment admis cette faculté pour l’employeur de rétracter un congé déjà accordé, en la limitant toutefois aux situations dans lesquelles interviennent des circonstances exceptionnelles, par référence à l’article L. 3141-16. du Code du travail français qui prévoit que l’employeur ne peut « sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ ».1 Comme circonstances exceptionnelles ont été retenues par la jurisprudence française, par exemple : la nécessité de remplacer un salarié brutalement décédé, de même qu’un délai accordé à une société en graves difficultés financières pour déposer un plan d’apurement. En revanche, la réponse d’un employeur à un appel d’offres, la commande n’ayant pas un caractère imprévisible et inattendu, n’ont pas été jugées comme constitutives de circonstances exceptionnelles. C’est dans le même esprit que la juridiction luxembourgeoise a également refusé de considérer comme une circonstance exceptionnelle pouvant légitimer l’annulation d’une première, puis d’une deuxième période de congé, le respect du délai de dépôt annuel d’un rapport financier, tâche annuelle et donc prévisible.
La Cour d’appel, saisie du litige en deuxième instance, adopte toutefois une approche encore plus restrictive en considérant que « le congé une fois accordé par l’employeur constitue un acte unilatéral irrévocable dont la rétractation n’est admise qu’en cas d’accord exprès ou non équivoque du salarié ».2 Dans la mesure où le droit luxembourgeois « ne prévoit aucune dérogation possible, sauf le commun accord des parties, à l’accord donné par l’employeur à la demande de congé de son salarié », la Cour critique tout raisonnement par analogie à un texte étranger non applicable et écarte les arguments de l’employeur visant à établir l’existence de circonstances exceptionnelles. Elle ajoute que, malgré l’offre de l’employeur de rembourser les frais liés au report ou à l’annulation des congés, le fait de « rétracter à deux reprises successives le congé accordé au salarié comme en l’espèce, équivaut concrètement à un refus systématique d’accorder au salarié tout congé, partant à une violation de l’obligation légale découlant de l’article L. 233-10. alinéa 1er du Code du travail. »3 Par conséquent, le licenciement avec effet immédiat pour absence injustifiée a été déclaré abusif et l’employeur condamné à payer des dommages et intérêts au salarié qui est passé outre l’annulation officielle et est parti en congé.
Considérant qu’en vertu de ce prononcé, c’est seulement à la demande initiale de congé que l’employeur peut s’opposer sur le fondement de l’article L. 233-10. du Code du travail, il est donc recommandé de ne pas accepter des demandes de congé à la légère, sans avoir préalablement vérifié l’existence d’éventuelles raisons impérieuses nécessitant la présence du salarié au cours de la période concernée. Toutefois, sachant qu’à la demande du salarié, le congé doit être fixé au moins un mois à l’avance, une telle prévisibilité peut évidemment s’avérer difficilement conciliable avec des contraintes de dernière minute de l’employeur.